Parité hommes / femmes dans l'informatique : où en est-on ?

Les métiers du numérique sont occupés en grande majorité par des hommes. Pourtant, ce milieu n’a pas toujours été l’apanage des hommes, bien au contraire. Comment la place des femmes a-t-elle évolué dans le secteur de l’informatique ? Où en est-on aujourd’hui ? On fait le point.

Quelle est la place des femmes dans l'informatique ?

Les stéréotypes perdurent

Les chiffres de l’INSEE sont sans appel : en France, plus des deux tiers des métiers du numérique sont occupés par des hommes.

• Les hommes représentent 77 % des emplois du numérique.
• Dans les métiers des infrastructures réseaux et des télécommunications, ils sont même 91 %.

Au niveau européen, les chiffres sont même plus accentués encore puisque seulement 18 % des spécialistes des TIC sont des femmes (chiffre du rapport DESI de 2020).

D’ailleurs, quand on demande leur avis aux Français, ils ont bien conscience de cette réalité, comme le montre l’étude réalisée par Opinéa et Livestorm sur le dernier trimestre 2021 :

• 84 % des personnes interrogées, qui ne travaillent pas dans ce domaine, pensent qu’un professionnel de l’informatique est obligatoirement un homme.
• Quand ce sont les personnes qui évoluent dans ce domaine qui répondent, les chiffres sont moins tranchés, mais restent élevés : 43 % d’entre eux pensent qu’un professionnel de l’informatique est forcément masculin.
• De fait, les femmes ne sentent pas ce milieu favorable au travail féminin : seulement 24 % des femmes interrogées pensent que le secteur est surtout accessible aux hommes.

Les femmes, pionnières dans le développement de l’informatique

Les chiffres actuels, et les stéréotypes qu’ils véhiculent, pourraient laisser penser que les femmes et l’informatique ne font pas bon ménage. Et pourtant, il n’en est rien. Quand on se penche sur l’histoire de cette discipline, on se rend compte qu’elle est jalonnée par les découvertes et les recherches de nombreuses femmes :

• Le développement du premier programme informatique est l’œuvre d’Ada Lovelace…en 1843.
• La technologie permettant de sécuriser les télécommunications, aujourd’hui toujours en usage pour les liaisons Wifi et le Bluetooth, est basée sur un brevet déposé en 1941 par Hedy Lamarr.
• C’est un groupe de 6 informaticiennes qui a programmé le tout premier ordinateur entièrement électronique, en 1945 : Kathleen Antonelli, Jean Bartik, Betty Holberton, Marlyn Meltzer, Frances Spence et Ruth Teitelbaum.
• En 1952, Grace Hopper écrit le premier compilateur. Elle participe à la naissance des tous premiers langages de programmation de haut niveau en posant les bases du Cobol. C’est aussi elle qui développe la notion de bug dans l’informatique.
• Le système embarqué du programme spatial de la mission Apollo 11 (qui a permis de se poser sur la Lune le 21 juillet 1969) a été conçu par Margaret Hamilton.

Ces quelques exemples, parmi tant d’autres, sont révélateurs de la place des femmes dans l’histoire de l’informatique. Place qu’elles ont investi jusqu’à la fin des années 1980 :

• Ainsi, en Grande-Bretagne notamment, les « postes de codages » des ordinateurs étaient tenus quasiment exclusivement par des femmes jusqu’en 1960.
• En 1965, les femmes représentent 30 % des postes en programmation aux États-Unis.
• En 1982, les femmes occupent 35 % des emplois d’informaticiens en France.

Ce n’est qu’à partir des années 1990 que la part des femmes dans ce milieu a commencé à chuter. Cette diminution s’explique par la conjonction de deux facteurs selon Isabelle Collet, autrice du livre « Les oubliées du numérique » (2019) :

• L’arrivée de la micro-informatique dans les foyers : les ordinateurs personnels ont été proposés en priorité aux garçons. La figure du geek émerge peu à peu.
• Le développement de l’utilisation de l’ordinateur dans les entreprises : les métiers autour de l’informatique se développent, et sont promus plutôt auprès d’une population masculine, familière de l’outil puisque l’ayant adopté à la maison.

Une offre de talents déficitaire

Le résultat ? Les garçons investissent en masse les études dans le secteur de l’informatique, générant petit à petit une pénurie de talents dans ce secteur au sein de la population féminine.

A l’heure où la parité homme-femme devient un enjeu majeur dans la plupart des professions, le secteur de l’informatique est à la traine :

• Une étude réalisée en 2021 par Epitech et Ipsos montre que seulement 37 % des lycéennes souhaitent s’orienter vers une école d’ingénieur ou une école d’informatique, contre 66 % des garçons interrogés.
• Le pourcentage de femmes suivant des études d’ingénieur en informatique est passé progressivement de 30 à 40 % dans les années 70 à 10 à 15 % aujourd’hui (chiffres issus du livre d’Isabelle Collet, Les oubliées du numérique, 2019).

L'IT, un secteur qui attire de plus en plus de femmes

Si le bilan est loin d’être réjouissant, les femmes commencent petit à petit à réinvestir l’IT. Quelques chiffres et faits résolument porteurs d’espoir :

• L’étude Epitech et Ipsos montre ainsi que 56 % des lycéennes sont intéressées par l’informatique et le numérique.
• Selon l’Insee, dans les métiers de la communication et de l’analyse de données, quasiment un emploi sur deux est occupé par une femme.
• La pénurie de femmes dans le secteur de l’informatique joue en faveur de leur parité salariale, là où d’autres secteurs font figure de mauvais élèves. A titre de comparaison, les inégalités salariales entre hommes et femmes sont de 37 % dans le domaine de la banque et de l’assurance (chiffre de la Dares, 2017)…

Le rôle de l'éducation et de la formation

Pour inverser la vapeur et donner envie aux femmes de réinvestir le secteur de l’informatique, l’éducation et la formation ont un rôle fondamental à jouer.

Pour faire bouger les lignes, les filles doivent être encouragées autant que les garçons à s’orienter dans l’IT. Aujourd’hui encore, seulement 33 % des filles (contre 61 % des garçons) sont encouragées par leurs parents à se tourner vers les métiers du numérique (enquête Epitech et Ipsos, 2021).

Les stéréotypes sont encore tenaces, et pourtant les études prouvent que les connaissances en informatique sont tout aussi bien intégrées par les femmes que par les hommes. Là où le bât blesse, c’est que les femmes ont davantage tendance à remettre en question leurs compétences, et à les amoindrir.

Pour lutter contre ce phénomène, les initiatives visant à promouvoir le milieu de la tech auprès des femmes se multiplient ces dernières années, à la fois de la part de l’État, de l’éducation nationale, mais aussi d’entreprises et d’associations. Ateliers d’initiation au code réservés aux filles, espaces de discussions créés par et pour les femmes du métier, application de l’indice de l'égalité professionnelle dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés, etc., les choses avancent enfin progressivement dans la bonne direction.